Quelques 22 ans après la découverte de la superoxyde dismutase (SOD) par les Américains Mc Cord et Fridovich, où en sommes–nous avec le stress oxydant et les antioxydants ?

 Face aux liens évoqués entre une surproduction de dérivés toxiques de l’oxygène dans l’organisme et l’apparition de certaines pathologies, certains affirment que rien n’est prouvé dans ce domaine alors que plusieurs dizaines de publications sont tout de même consacrées chaque année sur ce sujet plus que brûlant. Par contre, d’autres s’enthousiasment – souvent avec excès -sur les vertus bienfaitrices des antioxydants. L’industrie des compléments alimentaires n’est certainement pas étrangère à ce dernier message. Il en va de même pour l’industrie agro – alimentaire qui propose depuis peu aux consommateurs une multitude de produits ou d’extraits naturels naturellement riches ou enrichis en antioxydants supposés améliorer notre santé. Sur base des éléments scientifiques actuellement disponibles, les responsables de  l’European Food Safety Authority (EFSA) ne cautionnent toutefois pas le fait que le mot « antioxydant » en tant que tel puisse être utilisé comme une allégation de santé ou nutritionnelle. Ceci étant dit, des antioxydants comme les polyphénols qui sont abondamment présents dans les fruits et légumes, se doivent de mériter toute notre attention. En effet, ce sont d’excellents régulateurs de la pression sanguine artérielle via des mécanismes impliquant une régulation fine de la concentration en radicaux libres. Il n’en reste pas moins qu’il faudra mettre en place des études cliniques poussées afin qu’un complément ou un extrait riche en polyphénols puisse bénéficier d’une telle allégation de santé. Dans l’état actuel des choses, les scientifiques sont bien d’accord sur le fait que plus le statut sanguin en antioxydants d’un individu est bas, plus celui–ci présente un risque accru de développer des maladies cardiovasculaires ou des cancers. Dans l’Etude Liégeoise sur les Antioxydants (projet ELAN)  que nous avons menée sur 897 personnes en bonne santé apparente et âgées entre 40 et 60 ans, nous avons montré combien de mauvaises habitudes de vie (tabagisme, pas de pratique sportive, surpoids) ou alimentaires (faible consommation en fruits et légumes) ont un impact négatif sur la concentration sanguine en vitamine C et en beta–carotène. Avant de décider d’une complémentation éventuelle en antioxydants, le médecin devrait à notre sens s’appuyer d’abord sur des bilans de stress oxydant corrects et  ensuite de corriger les éventuels déficits de tel ou tel antioxydant en préconisant un mode de vie et d’alimentation plus adéquat à son patient. N’oublions pas enfin que tout antioxydant pris en excès peut devenir un agent prooxydant et avoir donc des effets inverses que ceux attendus.

Dr Joel PINCEMAIL

CHU Liège